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Témoignage de la classe d'Aurélia - Enseignante au CP

3 avril 2018
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Témoignage d'Aurélia

Aurélia est enseignante en CP. Elle nous raconte comment, pour mieux répondre aux besoins de ses « petits loups », elle a décidé de réorganiser sa classe et de la faire évoluer vers la « Classe Flexible ».

Comment en êtes-vous arrivée à la Classe Flexible ?

L'année dernière nous discutions avec mes collègues et nous nous sommes aperçues que nous vivions toutes une sorte de "ras-le-bol" de la classe en « autobus » – en rang d'oignon si vous préférez.

Le contexte de notre école est assez particulier. Si nous ne sommes plus en REP (Réseau d’Education Prioritaire), notre public reste le même : mêlant des élèves et des familles socialement et culturellement très diverses. Dans ces conditions, il faut réussir à faire vivre tout le monde ensemble, tout en permettant à chacun d'évoluer à son rythme. La classe « en autobus » ne le permettait pas. Et ce d’autant plus que nous avons des élèves dont la langue maternelle n'est pas le français. Il allait donc falloir être très efficaces pour donner à ces élèves les moyens de se débrouiller à l'école et au dehors.

J'ai commencé par séparer ma classe en deux groupes : je faisais cours à la moitié des élèves et les autres travaillaient pendant ce temps en autonomie, puis j’échangeais. Mais pour certains enfants, qui ont du mal à tenir en place, ce système n’apportait pas vraiment de solution à leur problème de « bougeotte ». Car après tout, s’ils remuaient autant, c'est bien que quelque chose ne leur convenait pas en l'état. Alors, j’ai décidé que c'était à moi de trouver ce qui pourrait mieux leur correspondre.  J'ai donc parcouru des blogs de collègues aux États-Unis et au Québec et j'ai recueilli un certain nombre d'idées.

J'ai commencé par acheter deux ballons pour mes élèves les plus remuants, je me suis dit que peut-être cela pourrait les aider. Dès le premier jour, j'ai eu la surprise de voir qu’ils bougeaient bien moins et qu'ils se disaient être beaucoup plus à l'aise.  Mais il restait les autres élèves, dont les besoins étaient peut-être moins exprimés, moins apparents mais pour lesquels il fallait aussi des réponses.

Et un jour j'ai eu un déclic : j'ai participé à une formation durant laquelle je suis restée assise sans bouger pendant 3h ... J'ai trouvé cela extrêmement pénible et je me suis rendue compte que c’était précisément ce que je demandais à mes élèves, à raison de 6h par jour !

J'ai donc décidé de changer tout mon aménagement de classe et j’ai finalement complètement vidé ma salle, et sorti chacun des meubles.

Comment se présente votre classe flexible aujourd'hui ?

J'ai conservé une partie de la classe en mode « traditionnel » : c'est ce que j'appelle la table en U. Je me suis dit que mes collègues des classes de niveaux supérieurs allaient m’en vouloir de ne pas préparer les élèves à « l’ordinaire » si je ne faisais que du flexible.  J’ai simplement ajouté des bandes élastiques aux pieds des tables pour limiter les gesticulations des élèves.

Ma classe comporte actuellement :

  • Des chaises et des tables « traditionnelles » (la moitié de l’effectif initial !)
  • Des tabourets hauts et des tables surélevées
  • Des tabourets bas
  • Des tables basses (carrées et rectangulaires)
  • Des coussins d'équilibre qui, comme les ballons, offrent une assise permettant de réduire les gesticulations
  • Des cerceaux pour s'asseoir en indien par terre et délimiter l'espace de chacun et apprendre à respecter celui des autres
  • Des dessertes basses
  • Des supports à tablettes
  • Des planches à clips

Comment ce projet a-t-il été accueilli par les personnes extérieures ?

En réflexion avec mes collègues, nous avons d'abord pris contact avec un ergothérapeute car nous voulions être sures que ce que nous allions proposer soit bon pour leur santé. Il nous a expliqué que la position assise est certainement la plus mauvaise pour des enfants de cet âge. Leur corps est fait pour être en mouvement et l’immobilité risque de causer plus des problèmes que la mobilité (de dos, de hanches ...). Jusqu’à cet âge-là, plus ils bougent et moins ils se font de mal. 

Après en avoir parlé à notre directrice qui nous a totalement soutenues, j'ai présenté cette expérimentation aux parents de mes élèves. J'ai été surprise par leur accueil. Je n'ai eu à ce jour aucun retour négatif sur la classe flexible. Plusieurs se sont dit qu’en proposant à leurs enfants de bouger, l’école se passera mieux pour eux parce qu'en Maternelle, les institutrices se plaignaient régulièrement de ce problème de « bougeotte ».

Il y a selon moi un fossé trop important entre la maternelle et le CP : en 2 mois on demande à ces enfants de changer radicalement de façon de travailler, passant d’ateliers en maternelle à la classe de CP « en autobus ».

Quant à mes collègues, elles sont déjà plusieurs à s’essayer aussi à la classe flexible et à être convaincue de ses bienfaits !

Quels bénéfices pour les enfants ?

Je trouve mes élèves bien plus concentrés et attentifs depuis le passage en classe flexible. Je garde tout de même un fonctionnement proche du mode traditionnel par tranches de 30 minutes au maximum soit 1h30 dans la journée à la table en U. Sinon, ils travaillent en autonomie : ils vont vers le meuble à tiroirs jaunes et s’installent aux places flexibles pour une activité en suivant leur plan de travail.

Durant la première période de l’année, en fin de journée, nous faisons le bilan des postures de la journée : lesquelles ils ont préférées, celles au contraire qui leur conviennent moins, les aménagements qu’ils pourraient y apporter, quelles sont les postures qui conviennent à telle activité (par exemple pour faire de l'écriture la position assise par terre en tailleur n'est peut-être pas l'idéal) …

La classe flexible a d'autres bienfaits pour les enfants : par exemple ils sont 23 et je n'ai que 2 ballons, 2 tabourets ... Ils doivent donc trouver des terrains d’entente ! En début d'année je leur explique que nous allons vivre 10 mois ensemble dans cette classe ! Quand il y a un problème ou un conflit, j'interromps la classe et on en discute tous ensemble. Ils doivent apprendre à partager le matériel, cela les oblige à discuter ensemble plutôt que d'être dans un registre de violence.

En début d’année, on m'avait prévenue que j’aurais plusieurs enfants dits « difficiles » au niveau du comportement dans ma classe. Je remarque un réel progrès dans leur comportement et dans l'empathie qu’ils témoignent aux autres depuis leur arrivée.

Jusqu'à maintenant, je les ai obligés à changer de posture à chaque fois que nous changions d'activités ; à partir de maintenant et jusqu'à la fin de l'année scolaire ils ne seront plus obligés de changer de posture. Ils ont développé leur goût et ils se connaissent mieux. Ils sauront choisir la position qui leur convient le mieux. Ceux qui sont assis à la table en U peuvent utiliser les élastiques tout en se préparant aux classes ordinaires, ils sont encore petits mais ils doivent commencer à s'entraîner à être assis sagement…

A priori, votre expérience de classe flexible a pris des proportions insoupçonnées ?

Au départ sur mon compte Instagram, lorsque j'ai commencé à faire évoluer ma classe, j'ai posté des photos pour les montrer à mes amies institutrices.  Puis de plus en plus de personnes ont été intéressées et m’ont écrit pour me poser leurs questions sur ce fonctionnement. Un soir j’avais reçu 27 mails de questions. Ce n’était plus gérable et j’ai donc décidé d’ouvrir un blog pour tout y expliqué en détail et gagner du temps.  Les gens y ont toujours un retour et des commentaires bienveillants comme par exemple « le ballon a été une révolution dans ma classe… ». Je suis contente que cette expérience puisse inspirer d'autres projets en France et non plus seulement Outre-Atlantique !

L'école n’a plus le monopole du savoir aux yeux des élèves aujourd’hui, elle est concurrencée ! Les enfants pensent pouvoir apprendre sur internet et ils viennent à l’école à reculons, parce qu'ils sont obligés. Mais s’ils peuvent bouger, cela devient différent.

Je n'ai pas le sentiment de faire une révolution mais juste de faire quelque chose qui convient à mes gamins ! 

Depuis mon passage en classe flexible, je me suis rendue compte que j'avais en réalité une très grande classe et qu’auparavant le matériel prenait beaucoup plus de place que les élèves.  En passant en mode flexible j'ai eu le sentiment de respirer : au début de mes changements, je pensais toujours qu’il me manquait des élèves en classe le matin alors que, après l’appel je voyais bien que tout le monde était là ! On se sent tous bien dans cette classe, on respire. C’est vraiment comme une seconde maison !

J'ai enlevé de ma classe 2 armoires une bibliothèque, 1 table sur 2, presque la moitié des chaises ainsi que mon bureau : je n’en ai plus ! Grâce à la Mairie, j'ai pu acquérir un meuble et un tabouret à roulettes. Pour le reste, j’ai mis la main à la pâte ; avec mon papa nous avons fabriqué des tables, j’ai récupéré des meubles çà et là …  pour équiper ma salle de classe.

Et si vous deviez donner 3 conseils à quelqu'un qui veut se lancer dans la classe flexible ?

  • Oser : vaincre sa peur et ses craintes pour tenter quelque chose de nouveau ;
  • Expliciter : pour que la démarche soit claire pour tous et que chacun en soit partie prenante ;
  • Tolérer : les essais des élèves et le bruit qui risque de s'installer au début le temps que chacun prenne ses marques.

Il faut se laisser le temps d'observer et d'ajuster avant de pouvoir très rapidement profiter de cette expérience et savourer ses bons effets !

Découvrez les différentes astuces d’Aurélia alias « MaitresseAurel » à travers son blog !

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Auteur : Margaux

Social Media Manager

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