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Témoignage de la classe d'Audrey - Enseignante au CP et Ambassadrice du projet #Bougetaclasse

17 mai 2018
Témoignages

Enseignante en classe de CP, Audrey SEIGNEURIN partage ici la manière dont elle a peu à peu fait évoluer sa pratique pédagogique ainsi que l’organisation de sa classe. Son témoignage montre d’une manière éclatante la corrélation étroite entre les deux aspects, aussi fortement influencés par l’adoption du Numérique.

Quel a été le facteur déclencheur dans le changement de votre pratique pédagogique ?

J’enseigne depuis maintenant 9 ans, et je peux dire que je ne me suis jamais sentie à l’aise avec la disposition de la classe « en autobus[1] ». J’ai essayé, puisque c’est le fonctionnement classique, mais je n’ai pas été convaincue ! C’était « je transmets et vous écoutez ». Il me manquait la convivialité et l’interaction !

Durant mes 5 premières années d’enseignement, j’étais face à des élèves de CM2 :  il était possible de faire de l’humour au second degré et d’installer une certaine complicité. Pour ma première année d’enseignement j’avais 21 ans… tout juste 10 ans de plus que mes élèves !

La communication était facile, j’étais une maîtresse accessible.

Comment avez-vous commencé la réorganisation de votre classe ?

Peu à peu, j'ai mis en place des petits U de 6 élèves pour former des îlots. Puis j'ai essayé d’asseoir tout le monde en configuration de grand U, ce qui avait l’avantage de laisser un grand espace central, propice par exemple à des activités de Théâtre.

Et puis, après 7 années avec des plus grands, j’ai commencé à enseigner à des CP : la transition a été rude, et pour moi cela a été une première remise en question !

 Au début j'ai marché dans les traces des collègues qui avaient déjà eu des CP, elles m’ont été d’une grande aide pour apprivoiser ce niveau.

Mais le côté ritualisé du CP m'ennuyait beaucoup ; en fait moi aussi j'ai besoin de bouger ! 

La question pour moi était de savoir comment accorder suffisamment de temps à chacun pour que personne ne s'ennuie et que tout le monde apprenne.

Cette année, pour ma 2ème année avec des CP, j'ai 27 élèves en zone REP. C'est beaucoup !  Pour la plupart ils sont issus d'un milieu défavorisé et il y a des écarts de niveaux énormes :   j'ai un enfant précoce, des élèves en grande difficulté à accompagner et 2 enfants allophones. Cela a été l'occasion d'une grosse réflexion pour moi.

Dès lors, comment avez-vous avancé ?

Plusieurs leviers m’ont permis d’évoluer.

Premier levier : Tout d'abord en REP nous avons ce que nous appelons un « maître + », il s’agit du dispositif « Plus de maîtres que de classe » qui détache un enseignant afin de prendre un petit groupe d’élèves ou de co-intervenir au sein des classes de cycle 2 autour de projets en Français et en Mathématiques.

A partir d’un créneau horaire hebdomadaire, nous avons conduit des ateliers de 1h15 tous les jeudis, pour du rebrassage (la révision de notions déjà vues) en Français et en Mathématiques.   A ce stade déjà, j'ai remarqué que les élèves étaient tous au travail : aussi bien ceux qui étaient en autonomie que les autres.  Et puis, l’entraide, la coopération et le tutorat se sont développés, cela m'a permis de me mettre en position de spectateur pour observer mes élèves. Ces ateliers étant concluants, j'ai voulu les mettre en place plus souvent qu'une fois par semaine, de manière pérenne.

Second levier :  le numérique. Le conseiller pédagogique du numérique au niveau de mon département m'a sollicitée pour mener une expérimentation de lecture numérique. Il s'agit de permettre aux élèves de s'enregistrer, d’écouter leur lecture et de choisir ensuite de la valider ou non. J’ai adhéré tout de suite : c'est un facteur d'autonomisation des élèves ! Le concept m'a vraiment séduite :  les enfants prennent une photo du texte, ils s'enregistrent en lecture puis ils écrivent leur nom et moi, je peux écouter leur lecture plus tard. Ils sont en autonomie totale !

L'utilisation du numérique demande du travail en groupe car nous ne disposons pas d'une tablette par élève : nous en avons au maximum 5 ou 6 pour 27 élèves. J'ai été nommée ensuite ambassadrice du Numérique et j'ai pu recevoir certains matériels supplémentaires.

En fait, tous ces changements allaient dans le bon sens, mais ils étaient encore insuffisants pour moi : je voulais aller plus loin et modifier les postures.

D’où l’idée du flexible seating ?

Le flexible seating, j'y pensais mais je n'osais pas vraiment me lancer.

Mais malgré toutes les modifications que j’avais déjà apportées, les élèves remuants restaient agités, je ne parvenais pas vraiment à enrayer la « bougeotte ».  

 Alors, je me suis dit : « le flexible seating fonctionne au Canada ; pourquoi pas toi ? »

 J’en ai parlé à mon conseiller pédagogique qui m'a pleinement soutenue : l’idée s'inscrit aussi dans la dynamique #BougeTaClasse qui part du numérique pour modifier les espaces scolaires… mais en fait cela va beaucoup plus loin notamment au niveau des postures.

Comment se sont passés vos premiers pas avec le flexible seating ?

Une première question s’est rapidement imposée :  comment faire pour fonctionner en centre d'autonomie pour apprendre - et non plus réviser à 27 - ? C'est à ce moment-là que la solution de couper ma classe en 2 m'est apparue :  il y a la moitié des élèves avec moi et l'autre moitié en autonomie. Cela se pratique déjà au Collège notamment avec les groupes qui alternent en semaine A et semaine B.

 J'ai donc fait comme Aurélia :  j'ai placé les tables en U devant le tableau et l'espace autonomie au fond de la classe. Mais attention, l'organisation de l'espace de la classe est toujours en cours : elle va devoir encore évoluer.

Il y a toujours une table et une chaise par enfant, et en termes de place pour circuler, ce n’est pas l’idéal… Car pour l’instant, ce qui nous cause problème, c’est le stockage des affaires des élèves.

Leurs tables sont équipées de casiers en dessous, chaque élève est titulaire d’un casier, mais pas de la table au-dessus. En fait, ils rangent toujours leur matériel au même endroit, mais ils peuvent s’installer à n’importe quelle table.

Et la prochaine étape dans l’organisation de votre classe ? 

Le menuisier de la mairie m'a fabriqué un meuble à casiers, il y aura un casier par enfant. Cela va vraiment révolutionner mon organisation ! Les enfants sont impatients ! Et je vais pouvoir retirer des tables et des chaises : parmi les principes du flexible seating il n'y a pas autant de tables que d'enfants.

Donnez toujours du sens à ce que vous faites si vous voulez que les élèves apprennent et comprennent.

Je vais enlever 4 tables et leurs chaises et sans doute les remplacer par des espaces au sol. Les enfants peuvent aller s'asseoir sur des poufs, sur des tapis, près des tables basses, et même, pour certains, sur l'estrade :  ils prennent vraiment possession des lieux.

Nous avons aussi 5 ballons pour s'asseoir, j'ai donc enlevé 5 chaises. Nous avons aussi 4 coussins d'équilibre avec des tables basses, et il y a une tour pour ranger les casques.

Je n'ai pas encore enlevé mon bureau car il ferme à clé ! Pour moi c’est la seule raison pour le garder parce je n'y suis jamais, il est contre un mur et on y accumule… des tas de choses. Il est imposant, c'est un vieux bureau de bois qui a 30-40 ans. J'ai demandé un meuble bas avec des portes coulissantes et une serrure…  Je rêve de remplacer ce bureau par ce meuble !

J’ai aussi une armoire qui reste encore parce que j'ai beaucoup de matériel numérique qu’il est nécessaire de mettre sous clé !  J’ai récupéré aussi un lecteur DVD portable ce qui est super pour les élèves allophones ! Donc pour l’instant je ne peux pas désencombrer autant que je le voudrais !

A terme, je me demande si je ne vais pas démonter les casiers sous les tables parce que certains de mes élèves parmi les plus grands ont les genoux qui cognent sur le bas du casier. Lorsque nous aurons le meuble de stockage, ils seront devenus inutiles.

Et comment fonctionne tout ce petit monde dans cette classe en pleine évolution ?

 Au début je programmais les binômes : c'est devenu rapidement un véritable casse-tête ! Lorsque le binôme était imposé il n'allait pas forcément à la même vitesse, j'ai donc mis en place des plans de travail pour permettre à chacun de travailler à son rythme.

Il y a donc toujours 2 personnes maximum par centre pour ne pas avoir trop de bruit. Les élèves tournent avec leur plan de travail. Ils peuvent aussi choisir des activités qui n’y sont pas forcément inscrites, qui ne sont donc pas obligatoires, mais juste pour eux sans regard de l'enseignant. Ces centres de travail non imposés et non obligatoires permettent à ceux qui en éprouvent le besoin de « se remettre dans le bain ».

L’un des élèves souffre de troubles du comportement. Notre nouvelle manière de fonctionner a développé coopération et entraide dans la classe. Ses camarades réussissent à l’apaiser. Ces enfants ont un esprit d'équipe qui m'épate !  Il y a la solidarité, l’écoute et la complicité.

Je m'inspire de Freinet, de Montessori, de mon expérience personnelle et aussi d’échanges avec mes collègues. L'enseignement doit être explicite il doit toujours donner du sens à ce qu'on fait et faire en sorte que les enfants aussi voient du sens. Par exemple moi, j'ai appris la multiplication bêtement, en mettant le point et en décalant les chiffres d'un rang.  Idem pour les retenues dans les soustractions ! C'est lorsque je suis devenue enseignante que j'ai compris le sens de cette pratique.

Dans ma classe, je considère que je ne suis pas seule : en réalité nous sommes 28 personnes susceptibles d'enseigner ! Les 27 enfants sont avec moi ! Lorsque l'un d'eux dit qu'il ne comprend pas : je demande alors aux autres si la "Brigade d'entraide" peut s'activer. Immédiatement au moins 3 ou 4 doigts se lèvent :  les élèves se portent volontaires ! Ils reproduisent la pédagogie ; je ne suis pas la seule référence. Sur le tutorat, Sylvain Connac estime qu'il est important que ce ne soit pas toujours les mêmes qui fassent le tutorat et toujours les mêmes qui soient accompagnés. Et le fait de faire donner les explications aux élèves par des élèves permet de vérifier si eux-mêmes ont vraiment bien compris ce qu’ils sont capables de reformuler. Et s’ils sont capables d'aider un camarade efficacement, alors c'est très parlant.

Quels projets pour la suite ?

L'année prochaine je vais passer à une classe de CP dédoublée donc je n’aurai plus que 14 élèves. Mais pour l'instant, dans ma classe, j'ai à cœur d'arriver à 100 % de réussite en fin de CP

Pour en savoir plus, allez sur son blog et suivez @audymaikresse sur Instagram, Facebook et sur Twitter.

[1] La classe « en autobus » ou en rang d’oignons désigne la disposition traditionnelle de la classe, avec les tables alignées en rangs face à l’enseignant.

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Auteur : Margaux

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