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Collège International de Valbonne : quand une réflexion sur le bien-être pédagogique fait émerger des Learning Labs

3 février 2020

Delphine Hustache entame sa troisième année en tant que Principale Adjointe au Collège International de Valbonne (CoIV). A son arrivée dans cet établissement situé dans la fameuse technopole de Sophia-Antipolis, elle a lancé une enquête sur le climat scolaire et le bien-être des élèves. L’analyse des résultats a abouti au projet « Réussite et Bien-être », qui englobe de nombreuses initiatives : conférences, intervention de professionnels de l’enseignement à l’étranger, acquisition de mobilier flexible... A moyen terme, l’objectif est de créer un environnement innovant, avec des Learning Labs et des Fablabs au sein de l’établissement. Nous revenons avec Mme Hustache sur les différentes étapes de ce projet.

Comment est né le projet « Réussite et Bien-être au Collège International de Valbonne » ?

La notion de bien-être des élèves faisait à l’origine partie du projet de l’établissement, qui souligne l’importance de « mieux vivre au collège ». Dans ce contexte, nous avons entamé il y a deux ans une réflexion approfondie et lancé une enquête sur le climat scolaire. Je précise que cette enquête est disponible à tous les établissements, auprès du rectorat. Il existe au sein de l’Education nationale une réelle volonté de favoriser le bien-être des élèves, exprimée dans la circulaire ministérielle de rentrée.  

Quand nous avons analysé les résultats de notre enquête, il est apparu que les élèves étaient stressés (ce qui est assez prévisible dans un établissement élitiste tel que le CIV), mais aussi que leur estime de soi était fragilisée.  Nous avons alors lancé le projet « Réussite et bien-être au CoIV». A noter que nous nous sommes appuyés entre autres sur le travail de Marianne Lenoir (médecin de l’Education nationale et docteure en sciences de l’Education), auteure d’une thèse de référence sur le « Bien-être des élèves au collège ».

Nous avons réfléchi notamment au bien-être pédagogique, aux moyens d’améliorer la relation élève-enseignant mais aussi les relations entre les élèves. L’objectif était avant tout de travailler sur le climat de classe. En effet, le climat de classe contribue de façon majeure à la qualité de vie du jeune à l’école : c’est la variable ayant le plus grand effet sur la qualité de vie scolaire. Si l'on veut agir en profondeur sur le climat scolaire d'un établissement et améliorer les conditions de réussite et de bien-être des élèves, il faut agir avant tout sur le climat de la classe :  veiller à la bonne qualité des relations entre les élèves, instaurer une relation de confiance entre l'adulte et l'enfant, diversifier au maximum les méthodes pédagogiques et soigner l'architecture des  classes.

Concrètement, quelles initiatives avez-vous lancées ?

En interne, nos initiatives sont basées sur l’implication volontaire des enseignants.
Par exemple, nous avons demandé aux professeurs de classes organisant des échanges internationaux de travailler sur cette notion de bien-être dans les pays concernés par les échanges. Dans ce cadre, des professionnels de l’enseignement en Finlande ou au Canada nous ont rendu visite pour partager avec nous leur expérience. Nous ouvrons ainsi les portes de l’établissement à des intervenants extérieurs : des représentants de nos universités, mais aussi du système éducatif de pays étrangers par exemple. Ces experts viennent enrichir notre réflexion sur le bien-être au collège. Ils nous inspirent des pistes de solutions.

Nous avons aussi demandé des formations sur différentes thématiques comme la communication non violente par exemple. Nous proposons aussi des conférences : l’an passé, une chercheuse du CNRS spécialisée dans les neurosciences est venue expliquer aux enseignants et aux élèves ce que sont les différentes intelligences, le fonctionnement de la mémoire et les multiples façons d’apprendre. Une autre chercheuse a tenu une conférence à l’attention des professeurs, des élèves et des parents, sur « le statut de l’erreur dans les apprentissages ». Tous ces événements ont énormément de succès.

Comment portez-vous le projet au sein de l’établissement ? Tous les enseignants sont-ils concernés ?

A la rentrée 2019, nous avons créé au sein de l’établissement le Comité de pilotage « Pédagogie innovante », formé de quarante professeurs volontaires du Collège et du Lycée. Nous nous réunissons une fois par trimestre pour faire le point. Entre deux réunions, nous échangeons via un « padlet », sur lequel chacun peut partager des idées de lectures, des suggestions etc.

C’est aussi depuis la rentrée 2019 que le CoIV propose deux salles de classe que vous qualifiez de « différentes». En quoi se distinguent-elles des autres classes de l’établissement ?

Ces deux salles de classe ont été créées pour accompagner ce Comité de pilotage. Elles sont différentes des autres par plusieurs aspects : d’une part, par leur décoration (elles ont été repeintes pour l’occasion ; et dans les deux salles et le couloir adjacent, nous allons exposer des œuvres de professeurs artistes).

D’autre part, par le mobilier que nous y avons installé : l’une d’elles est équipée de tables et chaises à roulettes, de tables hautes et d’un coin détente avec des poufs et des ballons. L’autre salle est aménagée avec des tables en ilots, un espace détente, une terrasse. Le coût est conséquent : nous faisons appel à la participation des familles via notre « trousse à projet ». Le conseil départemental va pour sa part équiper ces deux espaces en tablettes numériques.

Ces deux salles constituent nos premiers Learning Labs. Elles illustrent aussi les réflexions de notre Comité de pilotage sur les postures des élèves en classe. Nous allons d’ailleurs faire intervenir une psychomotricienne, pour travailler sur le corps, toujours tellement contraint dans l’enseignement traditionnel. L’idée est de redonner aux enfants une certaine mobilité. Il nous semble évident qu’un élève qui se sent bien dans sa classe réussit mieux.

Comment utilisez-vous ces deux Learning Labs dans le contexte du projet bien-être ?  

Les deux salles sont utilisées depuis la rentrée par les professeurs membres du Comité de pilotage. Ils peuvent ainsi tirer de leurs observations « sur le terrain » des conclusions sur le bien-être pédagogique. Du côté des élèves, certains ont d’abord dit que ces espaces leur rappelaient l’école primaire : ils trouvaient qu’il y avait trop de couleurs et que ça faisait « bébé » ! Mais au bout de quelques semaines ils ont montré un très fort attachement à ces deux salles de classe. Ils en parlent beaucoup entre eux, tout comme les professeurs. Nous espérons un effet « contagion » : l’idée est d’inciter d’autres enseignants à se lancer dans la classe flexible.

Comment définiriez-vous le rôle du mobilier pour le bien-être pédagogique ?

Le mobilier flexible permet de créer du lien, de reconnecter les enfants entre eux et avec leurs enseignants, dont certains redécouvrent leur travail sous un jour nouveau. Un professeur de mathématiques avait des étoiles dans les yeux l’autre jour en me racontant comment sa classe avait résolu un problème en mode coopératif. Grâce au mobilier, on peut réellement entrer dans un travail en coopération.

Percevez-vous des limites à la classe flexible ?

L’accès aux deux salles est ouvert aux classes du collège et du lycée, et l’on s’est aperçu que pour les Terminales, ça ne marchait pas très bien dans le contexte de la préparation au Baccalauréat. Mais cela pourrait justement devenir un axe de réflexion à part entière...
 
D’une manière générale, la gestion du bruit dans les classes flexibles peut devenir un problème. Il faut trouver des parades. Par exemple, nous avons trouvé une application à télécharger, qui permet de projeter au mur une image montrant le niveau sonore dans la classe : cela aide les élèves à gérer le bruit qu’ils génèrent.
Par ailleurs, il faut bien garder en tête que l’enseignement en frontal peut être tout à fait approprié selon les moments. Tout enseignant doit pouvoir revenir au frontal s’il en ressent le besoin. Utiliser du mobilier à roulettes dans les classes permet justement de passer du flexible au « rang d’oignon » quand c’est nécessaire.

Quoi qu’il en soit, la salle de classe flexible est d’abord un outil. Pour que cet outil soit efficace, il faut que son utilisation soit portée par une philosophie, un projet, une volonté globale au sein de l’établissement. Sinon, les Learning Labs risquent de rester un gadget.

Vous évoquez souvent une réflexion commune, dépassant le seul cadre de votre établissement.

Le projet « Réussite et Bien-être au CoIV » est déposé au Rectorat, où il est suivi par l’équipe « Innovation pédagogique ». Il est également suivi par le labo d’innovation pédagogique de l’université de Nice, qui nous accompagne notamment sur les questions concernant la coopération des élèves dans une classe innovante.  

Nous souhaitons à terme développer au sein du collège une dizaine de salles dédiées à « l’expérimentation pédagogique », dont une salle de classe flexible complète et plusieurs Learning Labs et un Fablab dédié à la création. Le côté expérimental de cette initiative se justifie aussi parce que nous faisons partie du Centre international de Valbonne, où se côtoient des collégiens, des lycéens et des étudiants. C’est un territoire propice à la conduite d’un projet éducatif innovant. Et cela permet aux enseignants membres du Comité de pilotage d’échanger facilement avec d’autres professionnels de l’éducation pour partager leurs expériences.

C’est précisément dans cette optique de partage que nous allons lancer en 2020 sur notre bassin d’éducation une « Semaine du bien-être », durant laquelle nous proposerons des formations sur le bien-être pédagogique. Une journée sera consacrée à l’architecture et à l’aménagement de la salle de classe.

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