Aménagement des espaces éducatifs
Classe de demain

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Espaces éducatifs et handicap : projet d'aménagement dans une U.L.I.S.

25 septembre 2018
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Adeline travaille depuis 14 ans au contact d’élèves porteurs de handicaps dans le cadre d’une U.L.I.S. (unités localisées pour l'inclusion scolaire). Elle nous fait part aujourd’hui de son expérience et ses choix d’aménagement de l’espace scolaire.  

Un équilibre subtil entre cadre sécurisant et liberté de mouvement

Le défi principal de l’aménagement des espaces éducatifs en U.L.I.S. tient en un équilibre subtil : proposer un cadre structuré (et structurant) et offrir une grande liberté aux élèves pour répondre à leur besoin de mouvement et favoriser leur prise d’autonomie.  Adeline précise : « Nous avons des enfants qui ont besoin d’un cadre très, très sécurisant : ils peuvent se retrouver très vite déstabilisés.  La gestion de l’espace et du temps est primordiale. » 

Une bonne lisibilité pour les lieux et leur usage

Sécuriser et autoriser, certes, mais également faciliter la compréhension… Pour Adeline, il s’agit de ne pas brouiller les choses avec trop de signaux visuels « Je cherche à privilégier des espaces clairs et bien définis qui vont faciliter la compréhension du lieu et de son usage au quotidien. L’autonomie se trouve grandement favorisée dans ses espaces-là. » De fait, il est nécessaire d’aborder les espaces avec une démarche construite : toute action doit être légitime, par exemple on ne retire pas un meuble au hasard.

En savoir plus sur les U.L.I.S. :

Les Unités Localisées pour l'Inclusion Scolaire (U.L.I.S.) accueillent des élèves handicapés pour lesquels il n’est pas possible d’envisager une scolarité individuelle continue dans une classe « standard ».  Elles s’adressent à des élèves présentant différentes formes de handicaps : troubles des fonctions cognitives ou mentales, troubles envahissants du développement, troubles de la fonction auditive, troubles de la fonction visuelle…

 Le dispositif U.L.I.S. permet la mise en œuvre des « projets personnalisés de scolarisation (PPS) » au sein de collèges ou de lycées. Ainsi, en fonction de leur handicap, ces adolescents peuvent rejoindre sur certaines plages horaires de leur emploi du temps, sa classe de référence standard. L’U.L.I.S. s’intègre pleinement dans le projet de l’établissement, et des objectifs sont assignés à chacun des parcours.

Les élèves doivent disposer de véritables clés de lecture des lieux afin de faciliter leur appropriation. Pour Adeline, il s’agit d’offrir des espaces où la vision est claire : « nous avons enlevé les gros meubles, d’abord pour des raisons de sécurité, mais aussi de visibilité et d’encombrement au sol … L’utilisation des lieux relève du flexible seating, les enfants pouvant s’installer où bon leur semble, en fonction de leur activité, de leur envie… Les déplacements sont facilités et les espaces de travail au sol plus importants.

Ménager la modularité et la réactivité

Autre nécessité pour une classe en U.L.I.S. : disposer d’un espace facilement modifiable. De manière concrète, cela passe par des espaces clairs, non encombrés, mais aussi et surtout par des mobiliers légers qui se déplacent facilement et en silence. « Certains enfants en difficulté ont souvent besoin d’appréhender les notions par le corps, de VIVRE l’apprentissage pour le comprendre (…) pour un élève qui a des difficultés à compter les syllabes, on pousse les tables et les chaises, et il apprend en sautant dans les cerceaux ». La mise en œuvre de ce type de pratique nécessite d’agir très vite, dans le feu de l’action ; il faut mettre en place de manière immédiate la configuration qui lui permettra de vivre son expérimentation.

Remettre en question l’enseignement frontal pour aller vers la pédagogie différenciée

Il y a aussi les remarques des parents :  ils s’inquiètent du fait qu’il n’y ait pas une table et une chaise par élève. Bien entendu, chacun réagit par rapport à sa propre expérience de l’école. Ils s’interrogent aussi quant à la position du tableau. Sur ce point, Adeline a fait son propre choix « le tableau est un outil que je n’utilise plus, car je ne fais pas de frontal… le tableau peut être utilisé par les élèves, au même titre qu’une ardoise ou une feuille». Certainement plus encore face à des élèves souffrant de handicap, l’enseignement différencié prend tout son sens.

Et pourtant, l’abandon de la pédagogie frontale n’est pas une évidence pour l’enseignant, tout particulièrement dans ses débuts :  quand on est jeune enseignant, il faut opérer une sorte de « lâcher prise » et se dire « je ne suis pas la toute puissance »... car c’était là le principe directeur de l’enseignement frontal, avec un aspect rassurant pour l’enseignant. » explique Adeline qui poursuit : « les jeunes enseignants de maintenant lisent et approfondissent beaucoup. » Mais parfois, la stricte mise en pratique de la théorie n’apporte pas de solution efficace pour l’élève. Adeline se souvient d’avoir voulu, conformément aux préconisations, protéger par des paravents brise-vue un élève présentant des troubles du spectre autistique... L’option n’avait pas fonctionné. « Chaque enfant est unique. »

Le DIY et ses limites

Les enseignants fonctionnent beaucoup avec le « DIY* », une pratique volontiers adoptée par des personnes motivées et passionnées. Pour autant, reconnait Adeline, « le fait de « faire par soi-même » a ses limites : les choses que l’on fabrique soi-même vont durer un an, voire six mois, et puis cela va casser… ». Certes il y a une question de budget. Et puis il y a l’aspect sécurité, qui pose questions à certaines municipalités.

Certains enseignants font appel à un ergothérapeute, afin de valider les postures des enfants. « Alors qu’on nous a appris qu’il fallait toujours se tenir bien droit, qu’en est-il de l’enfant qui lit couché par terre ? » Et Adeline de s’interroger si, d’instinct, un enfant garderait pendant des heures une position inconfortable…

Des mobiliers légers et modulables 

Un exemple de mobilier particulièrement adapté : des petites tables individuelles, ultra modulaires. Parce que tout à tour on travaille seul, à 2, 3, 4, autour d’une personne ou non :  « ma séance me demande quoi ? Ai-je besoin de manipuler, d’être avec les élèves ou au contraire de les laisser travailler ensemble ? J’ai besoin de pouvoir bouger… » On comprend tout de suite les problèmes que pose un mobilier traditionnel peu mobile et trop massif.

« Les classes U.L.I.S. ont ce côté vérification par la preuve : la marge de manœuvre est plus étroite, et les choix plus impliquants et volontaires. »

Peut-être plus encore qu’une classe ordinaire, un groupe d’élèves handicapés interroge les choix pédagogiques des enseignants. Sans doute une pratique différenciée y est-elle plus nécessaire, alors que le concept d’enseignement frontal est de plus en plus remis en question. Dans un tel contexte, l’appropriation et la contextualisation des lieux deviennent les clés d’une compréhension indispensable pour ces élèves. A cet égard, les classes ULIS constituent un formidable laboratoire pour optimiser l’aménagement des espaces éducatifs en liaison avec les nouvelles pratiques pédagogiques… et une source inspirante pour les classes « ordinaires » !

 

*Do It Yourself (fabriqué maison)

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Auteur : Catherine

Chargée de communication

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