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Faire classe dehors : une façon de renouer avec la nature (et de faire face au covid-19)

30 novembre 2020
Témoignages

Dominique Cottereau connaît la nature et les élèves, qu’ils aient dix ans ou plus de vingt. Avec un curriculum vitae à l’image de son goût pour l’environnement et la pédagogie, elle exerce aujourd’hui comme enseignante à l’IUT de Tours mais aussi comme coordinatrice du Réseau d’éducation à l’environnement en Bretagne. Récemment, elle a signé une tribune collective parue dans le journal Le Monde en faveur de la classe dehors face au contexte de crise sanitaire. Pour Classe de demain, Dominique Cottereau revient sur les avantages de cette méthode d’enseignement.

Classe de demain : Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la pratique de la classe dehors ?

Dominique Cottereau : C’est une autre façon d’enseigner. D’une part, faire la classe dehors, ne signifie pas seulement s’installer dans la cour de récréation, sur le bitume, en pratiquant les mêmes cours qu’au sein d’une classe fermée. Cela ne fonctionnerait pas. Pour qu’elle soit pertinente, la classe dehors implique de s’immerger dans la nature et de repenser son cours pour le contextualiser avec l’espace extérieur choisi. L’autre point essentiel est d’envisager la classe dehors en complément de l’enseignement dispensé au sein d’une classe fermée. On récolte de la matière, de l’expérience en extérieur, que l’on peut repenser et intérioriser lors d’un cours classique.

CDD : En dehors du contexte de crise sanitaire, pourquoi selon vous faire classe dehors est-il un enjeu essentiel de nos jours ?

D.C : De nombreuses études américaines ont démontré les bienfaits de faire la classe dehors. On en retrouve certaines dans le livre de Cynthia Fleury et Anne-Caroline Prévot, Le souci de la nature - Apprendre, inventer, gouverner, publié en 2017. D’abord, cela permet d’améliorer certaines compétences des élèves, comme leur capacité d’attention, puisqu’ils sont impliqués davantage, à travers des investigations ou des mises en situation par exemple. On peut ainsi enseigner les mathématiques, le français, les Sciences de la vie et de la terre (SVT)… en utilisant l’environnement. Toutes ces expériences favorisent aussi le développement de compétences reconnues par l’Unesco comme étant essentielles pour les générations à venir dans le cadre professionnel : la capacité à communiquer clairement, le sens de la coopération ou encore l’esprit d’équipe.

Un autre bénéfice vient de la mise en mouvement de l’élève. Pour apprendre, l’élève doit mobiliser le corps et l’esprit pour améliorer sa capacité de mémorisation. Si l’on parle d’un oiseau, l’idéal est de le voir, de l’entendre dans son espace de vie, de donner du sens à la découverte de l’espèce et non de se restreindre à un dessin ou à une vidéo. . Une classe fermée est donc, en comparaison, plus pauvre en termes d’informations sensorielles.

Troisième point important, apprendre en extérieur permet d’appréhender l’incertitude. Dans une classe fermée, l’enseignant prévoit des activités, qui ont peu de chance d’être perturbées par l’environnement extérieur. Au contraire, en extérieur, le professeur comme les élèves doivent composer avec des informations qu’ils ne maîtrisent pas : la température, la pluie, les bruits de la forêt, la présence des animaux. Apprendre à agir dans un monde incertain fait d’autant plus sens dans le contexte actuel.

Enfin, faire la classe dehors permet de renouer avec la nature. C’est une façon de développer une responsabilité écologique. Certaines études américaines et canadiennes évoquent un syndrome de manque de nature (« nature-deficit disorder ») chez les enfants qui n’ont pas pu se lier à la nature.

CDD : Quels conseils donneriez-vous à des enseignants voulant pratiquer la classe dehors mais ayant peu d’expérience dans ce domaine ?

D.C : Déjà, il faut noter que la classe dehors s’inscrit dans le cadre de la pédagogie active. Les élèves sont acteurs de leur apprentissage. Pour les premières classes dehors, les enseignants n’ont pas besoin de disposer de beaucoup de compétences spécifiques. Il faut oser ! Il y a des exercices simples de découverte sensorielle : apprendre à écouter, à observer, à dessiner son environnement. Par exemple, découvrir un arbre par le toucher, faire l’énumération de sons entendus pendant une minute, mémoriser un élément de la forêt et le partager avec un camarade… Tous ces exercices simples peuvent être pratiqués en primaire et approfondis au collège, voire au lycée. Plus les élèves grandissent, plus ils affinent la démarche d’investigation et de découverte sensorielle. Pour les enseignants qui n’osent pas se lancer seuls, ils peuvent se rapprocher d’associations locales spécialisées dans l’éducation à l’environnement, qui peuvent les aider à mettre le pied à l’étrier.

CDD : Si l’on recontextualise dans le cadre de la crise du covid-19, en quoi selon vous la classe dehors est-elle une réponse pertinente pour enseigner ?

D.C : Faire la classe dehors permet de respecter les gestes barrières sans difficulté et l’air y est forcément plus sain. De façon plus générale, des études ont démontré l’influence positive de la nature sur la santé des individus. Être immergé dans la nature ou simplement exposé à de la végétation réduit la pression artérielle, le stress et renforce au contraire des émotions positives. La nature pacifie également les échanges entre les individus. Cet effet apaisant est bien sûr bénéfique dans le contexte incertain et parfois anxiogène que nous connaissons.

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