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« Les écoles qu’il nous faut », de Marc -André Carignan : l’école de demain doit commencer aujourd’hui

16 novembre 2018
Nouvelles Classes

Au Québec, l’architecture et l’aménagement intérieur des bâtiments éducatifs n’ont guère évolué depuis… parfois 70 ans. C’est le constat dressé par Marc André Carignan dans son livre « Les écoles qu’il nous faut ». Architecte de formation, aujourd’hui chroniqueur sur Radio Canada  sur les questions de développement urbain notamment, il ouvre le débat sur l’aménagement des milieux scolaires et son rôle dans l’enseignement et la pédagogie. Ecrit dans un contexte sociétal et politique québécois, cet ouvrage se fait pourtant l’écho des réflexions menées ici même, en France, sur l’aménagement des salles de classe et des écoles. Des questionnements finalement universels, qui dépassent largement les frontières de la Belle Province ou celles de l’Hexagone.

Partout dans le monde, des initiatives innovantes voient le jour pour imaginer de nouveaux aménagements des milieux scolaires. Dans son livre « Les écoles qu’il nous faut », Marc André Carignan en décrit plusieurs, donnant la parole à ceux qui les ont portées, professeurs, architectes, élèves aussi. Toutes illustrent une profonde volonté d’inventer « l’école du 21e siècle », une expression qu’il préfère à celle d’«école du futur », dont il estime qu’elle manque cruellement d’ambition. Car ces écoles, il nous les faut, non pas dans le futur, ni même demain, mais aujourd’hui, nous a-t-il dit lors de l’entretien qu’il nous a accordé.

Comment est né ce livre ?

Marc-André Carignan : On a beaucoup parlé d’éducation ces dernières années au Québec. Et pourtant, il existe ici un déficit d’entretien incroyable sur les écoles. Comme si l’aspect du lieu d’apprentissage physique avait été complètement évacué de ces réflexions. On parle de pédagogie mais pas du lieu d’enseignement. Cela a plusieurs conséquences : d’une part, on se retrouve avec des écoles dont les bâtiments ne sont pas entretenus et tombent en morceaux, avec des murs moisis etc.

D’autre part, l’architecture et l’aménagement ont très peu évolué : on conçoit des écoles neuves basées sur le modèle de celles des années 40 et 50, c’est à dire des modèles statiques, avec des enfants comme « parqués dans des enclos » toute la journée. Face à ce constat, j’ai ressenti le besoin d’amorcer une réflexion sur ces questions.

Il s’agit d’un ouvrage « collectif », qui fait intervenir l’ensemble des acteurs concernés…

Oui, « L’Ecole qu’il nous faut » est le résultat de deux ans d’enquêtes, de lectures de travaux de recherche, de rencontres sur le terrain avec les différents acteurs du secteur : enseignants et leur syndicat, architectes, designers, psychologues, chercheurs, sans oublier les  enfants évidemment.

On comprend dans votre livre que la classe « flexible » a un impact sur la manière d’enseigner ?

La manière d’enseigner change d’un professeur à l’autre bien sûr, mais elle change aussi selon la taille de la classe, et même le mobilier. On enseigne de manière différente dans une classe où tout le monde regarde dans la même direction pendant un cours magistral, par rapport à une classe où l’on enseigne en sous-groupes, avec des ilots de travail. L’aménagement change la façon de livrer la pédagogie. Mais inversement, la classe flexible doit s’adapter à tous les formats, et y compris un format magistral. Chaque professeur peut transformer la classe selon ses besoins, dans un sens ou dans un autre. Si quelqu’un est plus à l’aise en magistral, il peut aménager sa classe en ce sens. S’il veut changer, il change. La « classe caméléon » présente ainsi de nombreux bénéfices.

Comment avez-vous étudié ce lien entre l’aménagement de classes flexibles et l’enseignement ?

Au fil de mes recherches je suis notamment tombé sur un groupe Facebook au Québec intitulé «Aménagement Flexible ». Je suis devenu membre de ce groupe, à partir duquel j’ai invité des professeurs à participer à des sondages en vue de l’écriture de mon livre. Je leur demandais comment ils avaient pensé et conçu leur classe flexible considérant que plusieurs enseignants prennent eux-mêmes l’initiative de repenser leur environnement d’apprentissage : suppression des pupitres pour faire place à des espaces plus conviviaux pour leurs élèves ; vélos stationnaires, coussins au sol, chaises berçantes, ballons de yoga ; Je leur ai aussi demandé de quels moyens ils disposaient.

On découvrent dans votre livre qu’ils meublent souvent l’espace avec les moyens du bord : petites annonces, dons et fabrications « maison » de mobilier…

Il y a ce témoignage d’Amélie Larrivée, enseignante de 5e et 6e année (équivalent CM2 et 6e) dans la région de Rimouski :

« Je cours les soldes, les trucs usagés. On a un petit budget provenant de l’école. On a été chanceux parce que la corporation des loisirs du village a été vraiment épatée par nos idées et a donné 275 dollars par classe pour nous encourager »

Quel pourrait être l’impact de votre ouvrage sur le secteur ?

Ce livre intervient alors même qu’on assiste actuellement à un mouvement et un intérêt populaire pour ces questions d’aménagement. Au cours de la dernière année a aussi eu lieu une initiative gouvernementale, le Lab-Ecole, qui a lancé une réflexion sur la composante physique des écoles. Sept projets concrets (projets de construction ou de rénovations), ont été sélectionnés au Québec par le précédent gouvernement. Je ne sais pas encore si l’actuel gouvernement poussera le projet plus loin ou non dans les années à venir. »

Suite à cet entretien et à la lecture des "Ecoles qu’il nous faut", on se dit en tout cas que ce livre pourrait favoriser la naissance de toujours plus d’initiatives sur le terrain, en faisant connaître celles qui existent déjà. On comprend aussi que le changement peut venir de la base avant même de grandes impulsions politiques : certaines initiatives font « tache d’huile », et se répandent d’une classe à l’autre :

« Des professeurs réussissent de petits miracles avec peu de ressources », peut-on lire dans l’ouvrage de Marc André Carignan. « On ne peut qu’imaginer le potentiel que pourraient avoir nos salles de classe si elles étaient repensées conjointement par les professeurs, les enfants et les professionnels de l’aménagement. »

Pour en savoir plus, vous retrouverez son livre en version numérique, ici.

Crédit Photo (Image Principale) : High Tech Elementary School, Denver, Colorado ; Design + Photo: Kurani

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Auteur : Catherine

Chargée de communication

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