Aménagement des espaces éducatifs
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Du matériel d’occasion pour équiper la classe flexible : en Suisse, l’initiative de « Pas Sage 2 en 1 »

26 avril 2021

Se lancer en classe flexible, cela suppose une bonne dose de réflexion et de préparation concernant les apprentissage et les pratiques à mettre en place... Mais cela demande aussi du matériel pour aménager l’espace. Comment se procurer des équipements adaptés à l’aménagement d’une classe flexible ? Selon les ressources et la participation de leur établissement ou de la collectivité, les enseignants sont parfois amenés à trouver les solutions eux-mêmes. Cela implique souvent pour eux de courir à droite et à gauche pour réunir le matériel nécessaire à leur projet. Face à cette réalité, Laetitia Landais, enseignante en classe de CE2-CM1 à Lausanne, a eu l’idée d’ouvrir « Pas Sage 2 en 1 », un local de matériel d’enseignement de seconde main. Une belle initiative, portée par une histoire particulièrement émouvante.  

« Une caverne d’Ali Baba ». C’est ainsi que de nombreux enseignants décrivent le local de Laetitia Landais, à Mézières, en Suisse. On y trouve pléthore de matériel éducatif d’occasion, neuf aussi parfois. Dans les rayons : des équipements pour la classe flexible, des assises, des casiers, des dessertes à roulettes, des meubles de rangement, des jeux... Le nom du local, « Pas Sage 2 en 1 », révèle toute une histoire. Laetitia explique : « ‘‘Pas Sage’’, on a trouvé que c’était amusant pour un lieu s’adressant aux enseignants...  Et ‘‘2 en 1’’, parce qu’en un même lieu, on aide d'une part les enfants en classe qui vont bien, et d'autre part, les enfants malades ».  

En effet, en plus de proposer aux enseignants du matériel pour leurs élèves, l’initiative Pas Sage 2 en 1 soutient l’association Zoe4Life, dédiée à la recherche sur le cancer pédiatrique.  

 

Débuter en classe flexible sans le savoir 

La notion de « classe flexible » intéresse Laetitia Landais depuis 2015. Elle raconte :  

« Je me suis lancée dans la classe flexible sans vraiment savoir que cela s’appelait comme ça. Il s’agissait d’abord pour moi de répondre aux besoins d’un de mes élèves, qui ne tenait pas en place. Je me demandais quoi faire...  Alors j’ai eu l’idée d’installer un pédalier. Et aussi de proposer des objets ‘antistress’, comme des balles souples à malaxer. Le but était de permettre aux élèves de bouger, sans que cela les empêche d’écouter et d’apprendre. Le résultat a été positif. J’ai poursuivi sur ma lancée en organisant la classe en ateliers et en zones d’activités. A l’époque, mes collègues étaient surpris... et certains parents aussi. Mais finalement, ça a bien marché. » 

En 2018, Laetitia est frappée par un drame personnel. Son fils Léo, 11 mois, décède des suites d’un cancer pédiatrique. Après son départ, elle se reconstruit peu à peu mais préfère attendre avant de retrouver son quotidien d’enseignante. Alors qu’elle réfléchit à la reprise de son activité et à la future organisation de sa classe, elle commence à chercher les éléments dont elle a besoin. Comme bon nombre d’enseignants en classe flexible, elle court partout pour trouver du mobilier et des jeux à des prix abordables. Et là, c’est le déclic : pourquoi ne pas créer un local de vente de matériel éducatif d’occasion pour centraliser ces équipements en un même lieu ? Cela éviterait pas mal de gaspillage, dans une logique d’économie circulaire. Et ça faciliterait la vie de nombreux professionnels de l’éducation ! Et si la vente du matériel pouvait bénéficier à une association contre le cancer pédiatrique ?...  

 

Une initiative qui a du sens  

La maîtresse d’école se lance dans l’aventure et crée le local « Pas Sage 2 en 1 ».  

« J’ai commencé sans trop en parler à mon mari car il se serait inquiété, étant donné l’énergie, le temps et la fatigue que ce projet représentait », confie Laetitia. « Cela impliquait beaucoup de trajets au moment du lancement, pour collecter suffisamment de matériel notamment. Mes parents étaient dans le secret et m’ont ouvert un local dans leur ferme, à Mézières dans le comté de Fribourg. Petit à petit, j’ai rassemblé tellement d’équipements que j’ai aussi eu besoin du garage attenant, puis d’une caravane ! Quand j’ai fini par parler du projet à mon mari, il m’a beaucoup soutenue. »  

Aujourd’hui, cette activité est toujours très prenante. Laetitia travaille à plus d’une heure de route de chez elle, elle est maman d’une petite fille de 18 mois. Dénicher de nouvelles fournitures et tenir le local représente beaucoup de travail, même si elle est aidée par une quinzaine de bénévoles et de sa famille. L’enseignante parcourt les « marketplaces » sur internet, ainsi que les sites spécialisés dans le matériel d’occasion.  

« Il faut avoir du choix à proposer, pour être crédible aux yeux des enseignants qui viennent chercher des éléments chez nous, » explique-t-elle.  « Je partage mes besoins via des annonces sur notre page Facebook. A travers mon compte Instagram, je fais découvrir ce que nous avons à proposer dans le local, ainsi que nos dates d’événements ». Laetitia a aussi fait imprimer des flyers, que ses visiteurs distribuent à leur tour. Cette communication a entraîné un phénomène de bouche à oreille, qui lui a permis de faire connaître son activité dans la région.  

 

Des demandes surtout pour des équipements de maternelle et primaire 

La majorité des enseignants qui visitent son local travaillent en maternelle et primaire. Certaines demandes reviennent fréquemment :  « Les livres, les tables hautes, les tabourets hauts sont très demandés, mais les dessertes à roulettes surtout ont un succès fou : sitôt disponibles, elles disparaissent. C’est sans doute parce qu’elles font aujourd’hui quasiment office de bureau mobile pour l’enseignant en classe flexible, qui peut se déplacer d’un groupe d’élèves à l’autre », souligne Laetitia.  

A l’origine, ces dessertes ou les meubles de rangement à étagères proviennent souvent de magasins de meubles non spécialisés dans les équipements éducatifs. L’équipement d’une classe flexible peut en effet s’appuyer sur des éléments « détournés » (qui répondent cependant bien sûr aux critères de sécurité).  

La fondatrice de Pas Sage 2 en 1 explique que « l’un des enseignants venant s’approvisionner au local a utilisé sa desserte pour y placer des ateliers. Les enfants qui souhaitent travailler sur des ateliers peuvent déplacer la desserte près d’eux. Cela évite pas mal d’allées et venues à travers la classe. D’ailleurs, dans ma propre classe, j’utilise quatre dessertes : pour l’Histoire, la Géographie, les Sciences, et un Centre pour soi, où l’on trouve des activités pour la concentration, l’estime de soi, ainsi que des exercices de yoga et des jeux de coopération par exemple ».   

Les jeux justement, ne sont pas très recherchés dans son magasin. Cela l’a étonnée : « Je pensais que les gens achèteraient plus volontiers des petits théâtres, petits magasins et marchés, livres pédagogiques aussi. Je les avais achetés en abondance mais finalement ils n’ont n’a pas tous trouvé preneur ». 

Le budget dépensé se situe en moyenne à une centaine d’euros, mais il varie beaucoup d’un client à l’autre. Laetitia constate que « parfois, les enseignants viennent juste dépenser 20 euros, pour clore un budget de classe par exemple. Mais parfois aussi, ils achètent pour 500 euros de matériel ! Quoi qu’il en soit, je sais d’expérience que les maîtres et maîtresses sont nombreux à financer eux-mêmes leurs projets de classe flexible. Du coup, nous tentons de proposer des éléments à des prix vraiment raisonnables ». 

Cette année, la pandémie a un peu limité les ventes. Mais sur deux ans d’existence, l’activité du local a tout de même permis de verser 10 000 euros à Zoe4Life. 

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