Aménagement des espaces éducatifs
Classe de demain

Témoignages

Le Fab Lab, tiers-lieu de la pédagogie numérique de demain

6 avril 2022

Contraction de « Fabrication laboratory », un Fab Lab désigne un lieu ouvert, mettant à disposition du public une panoplie d’outils, notamment numériques, afin de concevoir des objets. Professeur de Technologie, formateur de la DANE (Délégation académique aux numériques éducatives) et cofondateur de l’association Tiers-Lieu Edu, Christophe Noullez fait le point sur les atouts d’un espace à part.  

 

D’après votre expérience, quel rôle est appelé à jouer le Fab Lab dans l’établissement de demain ? 

Christophe Noullez : Personnellement, c’est une technologie de fabrication qui m’a conduit à m’intéresser aux Fab Labs : les imprimantes 3D. Après avoir lancé un projet au sein du collège Louise Michel, à Clichy-sous-Bois, j’ai vite constaté le fort potentiel de la machine. Or il m’a semblé dommage de la réserver à ma seule salle de cours. D’où l’idée de l’installer au CDI de l’établissement, pour la rendre accessible. Et le fait est que les demandes ont vite afflué, de la part des professeurs comme des élèves. Créer un Fab Lab a ainsi permis de multiplier encore le potentiel d’utilisation des machines. Parallèlement, cela fait parfaitement écho à l’idée d’ouvrir l’école sur le territoire, en menant des projets en lien avec des associations ou d’autres établissements. Ces tiers lieux s’affirment ainsi comme des espaces d’innovation technologique pour l’ensemble de la communauté éducative, mais aussi des acteurs d'un territoire.  

 

Quelle est la différence entre un Fab Lab et une salle de technologie « classique » ? 

Christophe Noullez : Avec un Fab Lab, on est dans le « faire ». Les élèves s’y rendent pour résoudre des problèmes, fabriquer des choses à plusieurs. J’ai pour ma part un rôle de facilitateur : je me tiens à leurs côtés pour les aider à trouver des solutions. C’est une approche très différente d’un cours de technologie où le but final reste d’appliquer un programme. L’usage impacte l’aménagement de l’espace lui-même. La création d’un tiers-lieu implique une réflexion sur la manière dont celui-ci favorise la pratique collaborative, avec la délimitation de différentes zones.  

Une autre dimension essentielle tient à l’ouverture du Lab, vers les parents d’élèves, les habitants, des responsables d’association, etc. 4 ou 5 projets peuvent ainsi se dérouler en même temps : une association qui vient pour résoudre un problème, une entreprise pour monter une imprimante 3D, etc. Et les élèves voient qu’il existe une vie, notamment associative, en dehors de l’établissement et qu’ils peuvent très bien y participer. 

 

Quelles compétences les élèves développent-ils au sein d’un Fab Lab ?  

Christophe Noullez : C’est d’abord le lieu idéal pour acquérir des compétences sur les machines elles-mêmes. Les élèves apprennent par exemple comment fonctionnent les objectifs connectés ou même comment les fabriquer. Soit des savoirs aujourd’hui extrêmement précieux.  

En même temps, ces tiers-lieux permettent de développer de nombreuses compétences informelles : adopter un savoir-être, apprendre à collaborer, avancer sur un projet au fil des erreurs et des essais, etc. Tout cela dope la confiance des élèves. Un nombre impressionnant de jeunes en difficultés scolaires se révèlent en intégrant un tel espace de liberté.  

 

Comment l’accès à cet espace peut-il être intégré dans le planning scolaire des élèves ?  

Christophe Noullez : Dans les lycées et collèges, les enseignants sont généralement présents après les cours ou le mercredi. La plupart des Fab Labs sont tenus par des professeurs en bénévolat ou payés en heures supplémentaires… Aujourd’hui une solution peut être de charger un jeune en service civique d’animer le lieu. Il peut y avoir aussi des espaces innovants intégrés aux CDI, à destination des seuls élèves et équipes éducatives. En école primaire, les enfants y accèdent durant leur cours ou quelques lieux ouverts pendant le temps périscolaire.   

 

Quels sont vos conseils pour aménager de ce type d’espace ? Quels outils mettre à disposition ? 

Christophe Noullez : La classe de demain, c’est un espace partagé, avec trois-quatre groupes réalisant des activités différentes : certains à plusieurs, d’autres en autonomie, d’autres encore participant à un débat, etc. Une fois déterminée la place des machines, il faut penser un espace hyper-modulaire, adaptable aux différentes situations et pédagogies que l’on souhaite dispenser. Pour ce qui est des outils, un grand nombre est possible : découpe laser, carte électronique programmable, robotique, brodeuse numérique, presse à chaud pour réaliser des vêtements, petites fraiseuses à commande numérique, etc. 

 

Quels seraient vos conseils à un établissement qui souhaiterait se lancer dans la création d’un Fab Lab ? 

Christophe Noullez : Je recommanderais d’avancer par étape. Commencer par créer et développer une communauté d’usagers, qu’il faut fidéliser autour d’un ou deux projets numériques. Puis vient le moment de définir précisément ce que l’on va proposer (découpe 3D, coupe laser, etc.) en ciblant, en fonction, les acteurs vers lesquels se rapprocher. Il ne faut d’ailleurs pas hésiter à démarcher toutes sortes de partenaires, même éloignés de l’école, des communautés d’agglomération par exemple. L’intérêt pour les nouvelles technologies peut motiver l’octroi de petits financements. Sur ce sujet, il me semble d’ailleurs que la prise de conscience doit grandir sur le fait que les professeurs de technologie sont capables de promouvoir l’innovation à travers les outils qu’ils maîtrisent. Et les Fabs Labs peuvent ainsi se révéler très utiles pour porter cette initiation numérique auprès des nombreux adultes ayant des lacunes en la matière. 

>> Lire aussi : Fablabs : espaces d’apprentissage innovants et pédagogies actives.

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