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Exposition « Métier d’enseignant(e), métier d’élève » : « Le mobilier s’est adapté pour répondre à la recherche de mobilité dans la classe. »

6 avril 2021

L’école est en constante évolution depuis le XIXe siècle. L’exposition « Métier d’enseignant(e), métier d’élève », du Musée national de l’éducation à Rouen, questionne le rôle de l’élève et de l’enseignant à partir du XIXe siècle. Pédagogie, aménagement des classes, mobilier… tous les thèmes sont abordés. Accessible en visite virtuelle, cet événement est une pépite à découvrir sans attendre. Patrick Rayou, professeur émérite en science de l’éducation et commissaire scientifique de l’exposition, nous éclaire sur les questions en arrière-plan de l’événement. 

Pourquoi avoir consacré une exposition aux métiers d’élève et d’enseignant ? 

En effet, l’idée de s’intéresser au métier d’enseignant comme à celui d’élève peut surprendre. La notion de « métier » associée à l’élève est apparue dans de nombreux travaux récents de recherches. Au XIXe siècle, les élèves sont décrits comme soumis à des pulsions, au sens freudien. Il faut les instituer, les faire entrer dans l’universel, les soustraire à la famille et aux religions pour proposer une formation commune, standardisée en fonction de leur âge. La pédagogie est alors frontale, c’est la période des classes en autobus avec les tables tournées vers le tableau. Cette standardisation est la marque de fabrique de l’école républicaine. L’école est alors définie comme gratuite, obligatoire et laïque dans toute la France. Elle est assortie d’une volonté d’éradiquer par exemple les patois, contrairement à d’autres pays où ils sont maintenus. Au fil du temps, le rôle de l’enseignant et celui de l’élève ont évolué, et se sont adaptés aux changements de la société. 

Comment l’aménagement de la salle classe a-t-il évolué depuis le XIXe siècle ? 

Au XIXe siècle, la salle de classe était dépouillée de tous éléments pouvant rappeler le milieu domestique. Les tables et les chaises étaient toutes à même hauteur, alors que les élèves n’avaient pas tous le même gabarit... Les images au mur étaient plutôt mal vues, on ne devait pas voir la rue depuis les fenêtres, ni être vu depuis elle. Une première brèche est apparue dans les années 1980 pour favoriser la prise de parole en classe de langue avec la disposition des classes en « U ». 

Aujourd’hui plusieurs dispositifs coexistent, dont celui des classes en îlots. Il n’y a plus la frontalité avec l’enseignant, il passe entre les rangs pour aider les élèves. Le mobilier s’est adapté pour répondre à cette recherche de mobilité au sein de la classe. Il n’y a cependant pas d’enquête disponible pour recenser la part de classes flexibles en France. D’autant que beaucoup d’enseignants modifient la disposition de leur classe pendant la journée : classes en autobus, en « U », par îlots... 

L’utilisation d’outils informatiques, tels que le tableau numérique, commence à se répandre. Le mobilier permet ainsi à l’enseignant d’initier de nouvelles expériences au sein de la classe. Pour autant, cela ne suffit pas à changer la classe, car les outils sont toujours au service d'une pédagogie. 

Que peut-on dire de l’évolution de la pédagogie, des rapports entre enseignants et élèves ? 

Nous avons consacré une part de l’exposition aux pédagogies innovantes, comme celle de Montessori. Jusqu’aux années 1950, ces méthodes se sont développées en marge de l’école publique, au sein d’écoles privées. En 1980, la loi Jospin a replacé l’élève au centre de l’éducation. Ce dernier devant désormais construire son parcours pédagogique. Au lieu d’être orienté ; il doit choisir sa filière, devenir un citoyen de son établissement en exerçant le rôle de délégué de classe par exemple. C’est une reconfiguration de l’école autour de l’élève. L’enfant doit se développer de façon autonome. Le système scolaire est au service de l’élève, et non plus l’inverse. Les pédagogies auparavant dispensées à la marge rentrent dans les mœurs, avec par exemple un accent mis sur l’apprentissage par les sens et le travail collaboratif. Un exemple concret est la mise en place de classes inversées qui veulent favoriser l’autonomie des élèves dans leur apprentissage. 

Vous avez également consacré un volet de l’exposition à la cour de récréation. Selon vous, comment celle-ci s’est-elle adaptée aux changements de pédagogie ? 

La cour de récréation, principalement au primaire, n’a jamais été un lieu animé par une intention pédagogique. On peut seulement y renouveler son énergie après plusieurs heures d’apprentissage. En général, les enseignants font un cordon autour de la cour de manière à éviter les accidents. Certains jeux ont perduré dans le temps, comme les billes, les cartes, les cordes à sauter. Les jeux sont gérés par les élèves, qui suivent des modes saisonnières. Il y a cependant une réflexion contemporaine sur l’aménagement des cours de récréation, dont le centre a souvent été monopolisé par les garçons jouant au football, avec les filles en périphérie. Aujourd’hui on tend à proposer une rotation ou à instaurer de nouveaux espaces de jeux non genrés. C’est une réintroduction de la pédagogie au sein de la cour de récréation. On observe aussi une volonté de casser le bitume pour végétaliser les espaces de vie. Tout est une question d’espaces bien sûr. La cour de récréation fait aujourd’hui partie des enjeux de la pédagogie. 

Exposition « Métier d’enseignant(e), métier d’élève » du Musée national de l’éducation à Rouen, du 16/10/2020 au 05/09/2021. 

Pour découvrir l’exposition, c’est par ici 

 

Lire notre article sur la nouvelle tendance des cours de récréation non genrées ici.  

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