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Éducation

Open badges : outils de reconnaissance de tous les savoirs et compétences

21 octobre 2019
Nouvelles Classes

Qu’est-ce qu’un open badge ? A quoi sert-il, et quelle est sa place dans le monde de l’apprentissage et de l’éducation aujourd’hui ? Quel est son impact sur les aménagements des espaces scolaires ?... Voici quelques éléments de réponses pour mieux comprendre cet outil digital innovant en matière de reconnaissance des compétences.

Avez-vous entendu parler des « open badges » ? Ils font peu à peu leur chemin dans l’univers des apprentissages, de la formation et de l’éducation. Un open badge, c’est un fichier numérique où sont enregistrées des informations (métadonnées) spécifiquement liées à des compétences, réalisations ou encore engagements de la personne qui le reçoit.

On le visualise sous forme d’image digitale. Si on choisit d’imprimer cette image sur papier, elle doit comporter un QR code qui, une fois scanné, renverra l’utilisateur vers les informations numériques que le badge contient.

L’open badge représente ainsi une déclaration et une validation numérique des compétences et des connaissances d’une personne. On peut recevoir un open badge à l’issue de tout type d’apprentissage : une conférence en ligne, ou une session de formation plus traditionnelle suivie dans un espace « physique ».

Pour manipuler ces open badges, on a besoin de quelques outils digitaux :

Pour les stocker, on utilise des « backpacks » : ces interfaces digitales, comme « OpenBadge Passport »  ou « BadgeWallet », permettent de recevoir, afficher et partager ses open badges en toute sécurité.

Pour les créer et les distribuer, on peut utiliser « OpenBadge Factory » ou l’application mobile « Badgr » , qui permet aussi de visualiser les objectifs d’apprentissage que chaque badge permet d’atteindre.

Pour les personnes réfractaires aux outils digitaux, tout ceci peut faire penser à de nouveaux gadgets éducatifs. Mais il n’en est rien. Bien au contraire : l’open badge trouve parfaitement sa place dans l’évolution que connaît depuis quelques années l’univers de la formation et de l’éducation, et dans l’acquisition, la mise à jour et la reconnaissance des compétences.

D’où viennent les open badges ?

L’open badge a été lancé dans le grand public en 2011 par la Fondation Mozilla, comme un outil innovant de validation digitale des compétences. En France, il a commencé à vraiment émerger vers 2015, avec le fort engagement de la DRAAF de Normandie (qui fait d’ailleurs partie des membres fondateurs de l’association Reconnaître, fondée en 2018 pour « bâtir une société de la reconnaissance »). D’autres institutions se sont lancées dans la réflexion sur les open badges et leur utilisation, comme l’Université de Caen Normandie. Un réseau s’est créé : « Badgeons la Normandie ». D’autres régions et départements ont suivi, avec par exemple « Badgeons le Centre Val de Loire », « Badgeons le Pas de Calais »…
 

Peu à peu, ces réseaux d’organisations construisent, en utilisant les open badges, tout un écosystème facilitant la reconnaissance et la valorisation des compétences. Chacun peut, au fil de son existence, acquérir des connaissances, les faire valider par des communautés partageant ces mêmes savoirs, rejoindre virtuellement ou physiquement des réseaux porteurs de connaissances additionnelles ou complémentaires… C’est toute une cartographie qui se dessine ainsi, formant des territoires apprenants. 

L’open badge, outil de l’apprentissage d’aujourd’hui

L’open badge ne vient pas remplacer l’actuel système diplômant. Ce n’est pas un « micro-diplôme ». Mais il s’inscrit parfaitement dans ce 21e siècle, où le travail est désormais collaboratif, où l’intelligence est collective et où la connaissance se partage, où les compétences ne sont jamais acquises « une fois pour toute » mais doivent être mises à jour en permanence. La formation tout au long de la vie est une notion désormais acceptée par la société et le monde professionnel. En ce sens, l’open badge devrait donc être bien accueilli.

En revanche, la façon dont il est attribué n’est pas toujours bien comprise car il n’est pas forcément délivré par une institution de formation « classique ». Il peut être émis par un expert ou un réseau d’experts, validé(s) comme tel(s) par une communauté qui joue ainsi en quelque sorte le rôle d’organisme de contrôle. Cela peut inspirer de la méfiance quant à la légitimité des open badges et de ceux qui les distribuent. Pourtant, c’est un système qui a déjà fait ses preuves: on le voit avec l’émergence des crypto monnaies, ou des plateformes collaboratives comme Wikipédia : les informations publiées sont validées ou infirmées par une communauté, qui garantit la transparence des échanges et la validité des informations. Il peut certes y avoir des « couacs », mais dans l’ensemble ça marche plutôt bien.

Une pensée disruptive dans le système éducatif

L’open badge fait partie des technologies « disruptives » dans le secteur éducatif : il vient chambouler un système existant. « En France, dans notre système éducatif, le diplôme est encore souvent considéré comme la clef de tout » explique Philippe Petitqueux, de la DRAAF de Normandie. Il en est le Délégué régional au Numérique, et anime également le réseau Badgeons la Normandie. « L’open badge est une petite révolution car il montre une autre manière d’acquérir des compétences et de les afficher. C’est un outil de reconnaissance qui permet à chacun de rendre visible ce qu’il apprend, et avec qui il l’apprend », poursuit-il, soulignant ainsi la transparence d’un processus que l’on peut « mettre en œuvre dans une variété de contextes et de territoires ».

Dans tous les lieux où l’on peut l’acquérir, l’open badge joue un rôle fort en matière de lien social : il fédère à chaque fois des communautés d’apprenants, les connecte les unes avec les autres. Leurs membres se réunissent et échangent, via des plateformes digitales ou dans des lieux physiques, qu’il s’agisse de tiers-lieux, d’espaces de formation dédié, de Fablabs ou d’établissements scolaires.

Des open badges à l’école

L’école fait partie des lieux d’apprentissage où l’open badge peut prendre une place intéressante. Il fait son entrée peu à peu dans certains établissements, via des initiatives diverses, impliquant les enseignants comme les élèves.

Dans une interview accordée à Ludomag, Caroline Veltcheff, directrice du réseau Canopé Normandie revient sur une action de réflexion sur le réaménagement des espaces scolaires. C’était un « hackathon », explique-t-elle, avec « des équipes qui englobaient des enseignants et des élèves. Le projet gagnant devait être réalisé par la région, ce qui était déjà une reconnaissance en soi. Mais tous les participants, y compris ceux dont le projet n’a pas été choisi, ont aussi reçu un open badge, ce qui pour eux représentait la reconnaissance de leur participation ». L’open badge permet ainsi de reconnaître et de mettre en valeur l’implication et l’engagement de chacun dans une action donnée. Pour Mme Veltcheff, il est aussi un moyen de faire le lien entre éducation « formelle » et « informelle », et de mettre en lumière les « savoir-être » qui accompagnent les « savoir-faire ».

L’open badge implique aussi un changement de point de vue au cœur des apprentissages eux-mêmes. Philippe Petitqueux explique que « pour un professeur, prendre en considération les badges obtenus par les élèves qui entrent dans sa classe, c’est commencer par reconnaître leurs apprentissages et leurs savoirs. » C’est se placer dans une posture d’échange et de partage, qui va à l’encontre de la traditionnelle « transmission descendante du savoir, du maître vers les élèves ».

Open badge et aménagement de l’espace d’apprentissage

Ce changement de point de vue a des répercussions sur les aménagements des espaces éducatifs : comment les organiser pour y intégrer ce rapport à l’apprentissage, marqué par l’échange, la co-création et l’autonomie des apprenants ?

Pour organiser l’espace de la classe et en faire un lieu d’obtention et de partage d’open badges, on y favorise d’abord le travail collaboratif : on doit pouvoir créer facilement des groupes d’apprenants dans la classe. D’où l’importance d’un mobilier scolaire flexible, facile à déplacer pour pouvoir former ou reformer tel ou tel ilot de travail, élargir un cercle pour accueillir un nouveau membre par exemple. Cela suppose aussi de repenser la circulation des élèves en classe pour qu’elle soit facile et fluide afin de faciliter les échanges.

« Chacun peut être acteur pendant la classe, aider les autres, puis recevoir de l’aide à son tour », précise Philippe Petitqueux. On peut aussi équiper la classe d’outils numériques permettant la prise de notes collaboratives, qu’on peut afficher sur des écrans partagés.

L’utilisation des open badges peut aller encore plus loin. Selon l’animateur du réseau Badgeons la Normandie, plusieurs acteurs de la réflexion sur les open badges se projettent déjà dans le futur, et imaginent d’autres rôles pour ces petits fichiers numériques. Pour une compétence donnée, l’open badge pourrait servir de « clef », ou de justificatif, pour pouvoir entrer dans un local de type Fablab où l’on pratiquerait l’impression 3D par exemple. Prouvant les compétences de celui qui le porte, ou son engagement dans un projet lié à l’impression 3D, l’open badge lui garantirait un accès au local et à ses machines.

Ce serait une belle illustration du « savoir », cette « clef » qui doit permettre à chacun de déverrouiller les portes et d’avancer dans ses projets.

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