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Dyscalculie, difficultés en mathématiques : l’expérimentation au service de l’inclusion scolaire

1 mars 2023

Orthophoniste et auteur du livre «100 idées pour aider les élèves dyscalculiques et tous ceux pour qui les maths sont une souffrance », Isabelle Causse-Mergui a fait de la rééducation logico-mathématiques son métier. Elle nous livre une série de précieux conseils pour mieux accompagner les élèves en difficulté en mathématiques et favoriser leur progression.  

Que signifie être « dyscalculique » ?  

Isabelle Causse-Mergui : À ce jour, il n’existe malheureusement pas de définition consensuelle de ce qu’est la dyscalculie. On s’accorde pour constater qu’elle s’associe souvent à un autre trouble « dys » et qu’elle s’accompagne systématiquement d’une difficulté à raisonner et organiser sa pensée.  

 

Quels sont les signes qui permettent de repérer cette particularité ?  

Isabelle Causse-Mergui : Les difficultés apparaissent généralement en grande section de maternelle ou au CP lors de l’apprentissage du nombre et de la numération et se maintiennent au moins deux ans après. Les enfants peuvent réciter correctement la comptine des premiers nombres mais rencontrent des difficultés à distinguer deux petites quantités ou à déplacer leur pion au jeu de l’oie.  

On rencontre souvent des enfants du primaire ou du collège qui sont dyslexiques et/ou dyspraxiques et nommés « dyscalculiques ». Mais il s’agit souvent d’enfants qui ne lisent pas correctement les consignes. Lorsqu’on les leur dit ou explique autrement, ils savent faire l’exercice de maths. De nombreux élèves sont en difficulté en mathématiques, ils n’ont bien souvent pas l’étiquette « dyscalculique », cependant il faut les aider !  

 

De quelle façon les difficultés logico-mathématiques évoluent-t-elles avec l’âge ? Comment les atténuer ?  

Isabelle Causse-Mergui : Ce qui est insidieux avec les mathématiques, c’est qu’elles s’immiscent partout ! Pour organiser sa pensée dans une dissertation en philosophie, aussi bien que pour résoudre un problème pratique ou simplement cuisiner ! Si l’école ne suffit pas, la rééducation auprès d’un orthophoniste donne d’excellents résultats. Certains continuent à éprouver des difficultés ou avoir peur des chiffres mais un travail orthophonique permet de déplacer le curseur : cela devient une difficulté légère autour de laquelle il est possible de se construire.  

La plupart des enfants qui me consultent s’améliorent avec un travail régulier hebdomadaire sur un ou deux ans. Ils pourront s’orienter comme ils le souhaitent au niveau professionnel. Parmi mes anciens patients en grande difficulté durant leur scolarité, quelques-uns sont aujourd’hui comptables ou informaticiens !  

Les rééducations sont aussi utiles pour lutter contre les phobies et le décrochage scolaire car le soignant aide l’enfant à dédramatiser et à comprendre qu’il fonctionne tout à fait normalement malgré ses difficultés en maths. 

 

Quels conseils donneriez-vous aux enseignants pour accompagner les élèves en difficulté en mathématiques ?  

Isabelle Causse-Mergui : Le premier point serait d’être vigilant à ne pas oublier de valoriser les talents de l’enfant et de respecter sa temporalité, ne pas aller trop vite. Mon conseil est de s’observer soi-même en train de réfléchir et de se décentrer de la logique de la « bonne réponse ». S’intéresser au chemin qui a conduit l’enfant à un résultat donné est bien plus porteur. 

A mon sens, l’apprentissage se fait par l’expérimentation sur des objets concrets qui deviennent par la suite des objets mentaux. Prenons l’exemple d’un enseignant qui aborde les mesures. Plutôt que d’en parler de façon très abstraite, chaque enfant peut avoir du matériel adapté, comme des bouchons d’1 ml, des gobelets d’1 cl, pour les capacités. Passée la phase de manipulation, l’enfant imagine, se représente les objets et n’en a plus besoin. Cependant, s’il ne les a jamais manipulés, il ne pourra pas se les représenter. 

 

Quelles sont les activités et le matériel à favoriser sur les temps de classe ?  

Isabelle Causse-Mergui : L’idéal est que chaque élève ait son propre matériel à manipuler. Inutile pour l’enseignant d’investir dans du matériel coûteux, un peu de créativité et quelques éléments récupérés suffisent ! Une boîte à chaussures par élève, remplie de bûchettes et d’élastiques, de ficelles, de gobelets est un très bon point de départ.  

Mon second conseil serait d’aménager un petit coin dans la classe avec du matériel à disposition pour découvrir et transvaser sur les temps libres. On pourra par exemple y déposer une balance à plateaux dénichée dans un vide grenier avec des objets lourds et légers à comparer. Cet engagement actif est source de progrès pour les enfants (cf. S. Dehaene).  

Le travail en groupe, favorise l’apprentissage des élèves en difficulté tout en stimulant les plus avancés qui doivent verbaliser ce qu’ils ont compris pour aider leurs camarades (cf. Vygotsky).  

Pour ma part, je ne fais aucune distinction entre « travailler » et « jouer » du moment que les enseignants analysent bien les objectifs pédagogiques qui se trouvent derrière le jeu. Ils ont à trouver les bonnes questions, qui font avancer. Encore une fois : prendre le temps, verbaliser, expérimenter, penser ensemble sont les clés de la progression intellectuelle de tous les enfants, dyscalculiques ou non !

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