Aménagement des espaces éducatifs
Classe de demain

Éducation

Interviews Mme Onyszko et Mme Pouillion : Jouer à aménager

12 novembre 2019
Témoignages

Marjorie Pouillion, médiatrice formation à l’Atelier Canopé 57* (académie Nancy-Metz), anime le 20 novembre prochain avec Aurélia Onyszko, enseignante en CP, l'atelier « Et si aménager l’espace était un jeu d’enfant ? », au salon Educatec 2019. Elles croisent pour nous leurs expériences et leurs conceptions de la classe flexible.

Parlez-nous de vos expériences respectives de la classe flexible...

Aurélia Onyszko : J'enseigne depuis dix ans en primaire et j'ai adopté la classe flexible il y a quatre ans. Avec d'autres collègues enseignantes, nous étions confrontées à de grosses difficultés : au sortir de la maternelle notamment, certains enfants avaient le plus grand mal à rester assis sur une chaise toute la journée. Nous avons commencé à faire des recherches sur des pédagogies différentes, consulté et partagé beaucoup d'ouvrages... Au final, nous nous sommes largement inspirées du travail de Debbie Diller, une enseignante et conseillère pédagogique américaine, et de ses “centres d'autonomie” pour créer des coins dédiés à différentes activités avec des assises variées.

Marjorie Pouillion : J’ai enseigné les sciences économiques et sociales pendant un peu plus de 10 ans en lycée, où je me suis inspirée de la pédagogie inversée pour construire les cours avec mes élèves, leur apprendre à collaborer et à travailler en autonomie. Aujourd'hui, j’ai la charge d’un cours  “Innovations pédagogiques et sciences économiques et sociales” en master MEEF deuxième année à l'université de Lorraine (INSPE) et je suis, depuis 2016, médiatrice et formatrice à l'Atelier Canopé 57. A ce titre, j’organise et j'anime des formations sur des sujets comme « la qualité de la présence en classe », « le travail coopératif », des ateliers de créativité pour repenser ou aménager les espaces d’apprentissages. Par exemple, nous avons fait des captations 360° permettant une visite virtuelle de la classe d’Aurélia et de la classe de sa collègue Séverine pour créer une expérience en immersion dans une classe flexible.

Quels sont selon vous les principaux arguments en faveur du réaménagement des classes en classes flexibles ?

A. O. : « On voit que les enfants sont contents d'être là, l'atmosphère de la classe est très agréable », m'ont fait remarquer récemment des élèves stagiaires. Et, de fait, chez certains enfants, les changements sont saisissants entre le début et la fin d'année ! Certains outils comme le ballon de yoga ont un effet radical. Je le propose aux enfants les plus remuants qui cessent de s'agiter grâce au mouvement créé par l'assise. Un ergothérapeute nous a encouragées à poursuivre dans ce sens. En CP, les enfants sont petits. Ils ont encore besoin de bouger pour s'épanouir et apprendre. La classe flexible est aussi le moyen de mieux intégrer nos élèves ayant des besoins éducatifs particuliers.

M. P. : Le lycée dans lequel j'enseignais était dans une zone urbaine sensible et mes élèves avaient des difficultés à suivre un cours traditionnel de 50 minutes. J'avais obtenu de ma direction une salle qui me soit propre, que j'avais réaménagée. J'ai tout de suite constaté la différence. Les interactions n'étaient plus les mêmes. Je m'asseyais à la table de mes élèves, je les connaissais beaucoup mieux, les potentiels « décrocheurs » ne pouvaient plus se cacher en fond de classe, je les repérais tout de suite. Les élèves faisaient de leur côté davantage d'efforts et les résultats étaient meilleurs.

Vous allez coanimer un atelier intitulé « Et si aménager l'espace était un jeu d'enfant » sur le salon Educatec. Comment sera-t-il construit ?

M. P. : Il s'agit d'un atelier de découverte d'une heure et demi destiné aux enseignants, pour se questionner sur les contraintes d'un aménagement de classe. Nous aurons pour support un jeu que j'ai imaginé avec un collègue. Chaque participant tirera deux cartes dans les quatre catégories du jeu : lieu à aménager, public concerné, supports d'écriture disponibles (tableau blanc, TNI, cahiers, vitres, paperboard...), typologies d'apprentissage (collecter, écrire, collaborer...) qui constitueront le cadre de l'aménagement qu'ils auront à imaginer et à formaliser sur un plan. La fiche “Espaces” de la plateforme Archiclasse que je leur remettrai viendra nourrir leur créativité. Nous voulons proposer un atelier pleinement participatif en terminant par un temps de présentation et d'échanges autour des aménagements de chacun.

A. O. : J'interviendrai en première partie de l'atelier pour témoigner de mon expérience de la classe flexible en CP, en contrepoint d'autres expériences menées dans le second degré. Ce sera l'occasion d'un état des lieux dans le primaire. Je participerai également à l'animation du jeu. Le message que nous voulons faire passer est le suivant : aménager une classe, ça n'est pas refaire la déco, mettre de la couleur, du joli mobilier... C'est se mettre en place un espace qui soit au service d'une pédagogie favorisant l'autonomie, l'entraide, le tutorat et, in fine, l'apprentissage.

Comment envisagez-vous l’école de demain ?

A. O. : Pourquoi vouloir imposer un modèle unique à l'école alors que la société est de plus en plus diverse et certaines classes extrêmement hétérogènes ? Dans ce contexte, la classe flexible est une des réponses possibles à cette nécessité d’évolution de l'Ecole. Elle suppose néanmoins un changement de posture de l'enseignant et du lâcher prise. Pas toujours facile quand on a pris l'habitude de tout contrôler... J'ai pour ma part eu beaucoup de mal à le faire mais je ne le regrette pas une seule seconde.

M. P. : Beaucoup de ressources sont aujourd'hui disponibles gratuitement sur Internet. L’enseignant doit intégrer ce foisonnement d’informations à portée de clic pour les élèves. Son rôle évolue. Il les accompagne, les aide à comprendre, décrypter, développer un regard critique et enfin donner du sens à cette masse de connaissances. Difficile de faire ce travail en classe autobus ! Un aménagement en classe flexible permet de varier les postures pédagogiques pour ménager des temps d'écoute, en mode traditionnel, des temps d'expérimentation, en petits groupes, et des temps de production et de partage.

* Opérateur public rattaché au ministère de l'Éducation nationale.

Pour en savoir plus, rendez-vous le 20 novembre au carrefour de l’innovation pédagogique du salon Educatec !

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